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Manger local, circuit court… Retraçons ensemble l’évolution de ce mode de consommation !

La minute des experts est alimentée cette semaine par Carole Chazoule, enseignante-chercheure, responsable scientifique à l’ISARA en collaboration avec Cécile Crozat, Directrice générale de la Chambre de l’Agriculture du Rhône, toutes deux membres du comité de programme de Good.



La notion de circuit court est présente depuis de nombreuses années, elle n’est pas apparue récemment contrairement à ce que l’on pourrait penser !

Aujourd’hui, les circuits courts touchent environ 10% du marché alimentaire français et ce nombre progresse chaque année. Environ 65% des agriculteurs qui s’installent dans le Rhône le font avec un projet de vente en circuits courts. Les agriculteurs et futurs agriculteurs continuent de développer et d’innover : systèmes de casiers, livraison, ventes associées à des moments festifs, lien avec les commerçants locaux, récolte à la ferme… Mais pour mieux comprendre ce mode de consommation, retraçons ensemble son évolution !



Tout d'abord, les marchés locaux et les magasins de producteurs

Véritables lieux de convivialité et de sociabilité, ils créent du lien entre l’agriculture et la ville depuis plusieurs centaines d’années. En 1850, on comptait déjà plus de 25 places de marchés à Lyon. Aujourd’hui ce sont 90 marchés de détail à vocation alimentaire qui se tiennent chaque semaine à Lyon, sur lesquels environ 200 agriculteurs proposent des produits locaux. Ces marchés sont l’occasion pour les producteurs situés à la périphérie des villes de venir vendre leur production, mais aussi de discuter avec les consommateurs, d’échanger sur leurs pratiques. Les marchés ne sont cependant pas les seuls circuits courts à exister depuis de nombreuses années. Les magasins de producteurs se sont déployés depuis la fin des année 70. Le premier, Uniferme, a d’ailleurs vu le jour dans le Rhône, à Saint Andéol le Château en 1978. Aujourd’hui leur nombre ne cesse de progresser tout comme leur performance économique.


Années 1990 : les circuits courts se renouvellent

C’est à partir des années 1990 qu’une prise de conscience s’opère. Les consommateurs réalisent – notamment après la crise de la vache folle de 1996 – qu’ils ne savent finalement que peu de choses sur les produits qu’ils consomment. Ils cherchent alors à mieux comprendre leur alimentation et notamment son impact sur la santé. Pour la première fois depuis l’industrialisation de l’alimentation, la sécurité alimentaire est mise en cause et les aliments industriels n’apparaissent plus aussi sûrs qu’avant. Ce mode d’alimentation questionne le mangeur. Comment les aliments sont-ils produits, d’où viennent-ils, qui est l’agriculteur à l’origine de la matière première et quelles sont ses pratiques ?

La vente à la ferme connaît alors une nouvelle promotion et témoigne d’un engouement nouveau des urbains pour la campagne. Par exemple, la marque « Bienvenue à la Ferme » créée en 1988 et ayant pour objectif de mettre en avant le produit fermier mais aussi les séjours, la restauration ou les produits à la ferme, compte aujourd’hui plus de 8000 adhérents.


Années 2000 : nouveau renversement pour notre mode de consommation alimentaire

Les années 2000 voient arriver un nouveau chamboulement. Les travaux scientifiques montrent alors que le système alimentaire industriel n’est pas aussi durable qu’on l’imagine. La façon dont on produit et consomme nos aliments a un réel impact sur l’environnement et ses ressources : les sols ou l’eau pollués sont moins productifs et mettent en danger la biodiversité. De nouvelles crises alimentaires viennent renforcer l’envie de certains de se reconnecter à leur alimentation, de mieux comprendre comment elle est produite et de soutenir des pratiques plus vertueuses.


C’est alors que se développent de nouveaux circuits courts. En premier lieu, le système des AMAP (Association pour le Maintien d’une agriculture paysanne) avec son abonnement et ses paniers achetés à l’avance, marque un tournant. Il s’agit ici de mettre en avant une agriculture proche de la terre, en recevant chaque semaine un panier de produits récoltés en fonction de la saison et en tenant compte des aléas climatiques. Avec les AMAP, les circuits courts deviennent pour la première fois des alternatives au système de production et de distribution conventionnel et annoncent des changements de pratiques. Elles touchent un nouveau public, souvent plus jeune et plus mobilisé autour des questions de développement durable, d’environnement et de maintien d’une agriculture locale et familiale sur le territoire. Ce public cherche à s’extraire des modes de consommation plus habituels. Avec elles s’annoncent l’aire de l’alimentation militante !


Face à ce succès, d’autres initiatives émergent alors. Tout d’abord, les marchés de producteurs locaux se développent, mettant en avant plus particulièrement l’agriculture biologique. Le marché de producteurs de la Place Carnot voit le jour en 2001, il y a 20 ans. C’est le seul marché lyonnais où les 25 agriculteurs présents, disposent d’une labellisation. Puis, dans la continuité de ce mouvement, de nouveaux magasins de producteurs voient le jour. On en trouve aujourd’hui une centaine en Rhône-Alpes, dont 20 dans le Rhône. Ces magasins sont gérés par les agriculteurs qui assurent la vente de leurs produits. Longtemps situés en périphérie des villes, ils gagnent aujourd’hui de plus en plus leur centre.

En 2007, avec le Grenelle de l’environnement, de nombreuses lois incitent également la restauration collective à augmenter ses approvisionnements locaux.


Pour accompagner et encadrer leur développement, le gouvernement donne en 2009 une définition officielle des circuits courts : « Sont considérés comme courts, seulement les circuits qui mobilisent zéro ou seulement un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. »

Aucune restriction géographique n’est ajoutée à cette définition.


Années 2010 : agroécologies et nouveaux intermédiaires sur le marché

A partir des années 2010, le débat public autour de l’agroécologie mais aussi l’arrivée de nouveaux intermédiaires sur le marché, créent un nouvel engouement qui transforme à nouveau les circuits courts. Se développent alors de nouvelles démarches, portées par des intermédiaires associatifs comme Vrac par exemple, lArbralégumes ou De la Ferme au Quartier. Pour certains, il s’agit de favoriser le développement d’achats groupés de produits locaux dans des quartiers prioritaires des villes, alors que pour d’autres il s’agit de faciliter la livraison de produits locaux dans les villes.

Ce sont ensuite les startups qui se saisissent de cet intérêt nouveau en créant des circuits de distribution qui court-circuitent la grande distribution. Là encore, il s’agit de mettre en relation des producteurs et des consommateurs tout en favorisant une plus grande accessibilité à des produits locaux s’appuyant sur des pratiques agroécologiques. Ces starups viennent concurrencer les AMAP et les démarches associatives, mais sont aussi un moyen de toucher un public plus large. On pense par exemple à « La ruche qui dit oui » qui permet de passer commande et de choisir ses produits auprès non pas d’un seul producteur, mais de plusieurs. Pour celui qui achète, c’est l’occasion de faire ses courses hebdomadaires avec des produits locaux (viande, fromages, légumes, fruits…) et de venir les chercher en un lieu dédié lui permettant de rencontrer les producteurs mais aussi d’autres consommateurs de son quartier. On peut également citer Loocaly, jeune entreprise lyonnaise qui permet de géolocaliser les producteurs ou produits locaux autour de soi et facilite ainsi l’achat ou Hari&Co qui développent une alternative aux produits carnées à partir de légumineuses sourcées localement.


C’est aussi dans ces année-là, à la demande des territoires, que les producteurs vont évoluer dans leurs pratiques en circuits courts, en se professionnalisant et se regroupant pour ne plus vendre qu’aux seuls consommateurs mais s’ouvrir également aux distributeurs et à la restauration collective. Depuis 2015, avec le développement des projets alimentaires territoriaux, des besoins autour de la transformation se font également sentir et les collectivités financent de nouvelles structures (abattoirs locaux, légumeries, conserveries, etc.). Partout, la demande pour une alimentation ancrée dans son territoire se développe et les marques territoriales se multiplient à différentes échelles.


Si ces nouvelles démarches se situent un peu en marge des circuits courts par le nombre d’intermédiaires qu’elles mobilisent, elles en gardent néanmoins ses valeurs : favoriser un lien fort entre le producteur et le consommateur, mieux rémunérer les agriculteurs et maintenir une agriculture de proximité, familiale et agroécologique sur les territoires en permettant une transparence sur les produits et leur provenance. Dans le domaine de la recherche, on dit de ces démarches qu’elles sont « au milieu » (on les appelle d’ailleurs des « systèmes alimentaires du milieu » ou SYAM) car elles se situent entre les circuits courts et longs et témoignent de la façon dont ces différents modèles s’hybrident aujourd’hui pour dépasser le seul cadre des circuits courts.


Quel a été l'impact de la crise de la Covid-19 sur les circuits courts ?

Si la vente en grande surface est restée majoritaire pendant la crise, avec environ 75% des ventes alimentaires, des évolutions d’habitudes alimentaires ont néanmoins été observées. Le premier confinement, qui nous a obligé à rester à la maison, s’est accompagné de la fermeture des marchés, de la peur d’aller faire ses courses dans un supermarché et de l’impossibilité d’aller au restaurant. Ce confinement a incité les consommateurs à acheter des produits locaux en ligne mais aussi à cuisiner plus. Pendant cette période, les circuits courts ont alors connu un développement sans précédent. Les magasins de producteurs ont vu leur clientèle s’accroitre et se diversifier tout comme les drives fermiers qui ont connu un réel succès. Des sociétés de restaurations collectives ont également conduit des actions pour soutenir les agriculteurs avec lesquels elles étaient en partenariat. Pour pallier à la fermeture des marchés, les collectivités et les Chambres d’Agriculture ont développé des plateformes sur lesquelles les consommateurs pouvaient passer commande, afin de soutenir les agriculteurs. La carte recensant les producteurs du Rhône et les points de vente mise en place par la Chambre d’Agriculture, pendant le 1er confinement en mars 2020 a rencontré un fort succès avec plus de 200 000 vues depuis mars 2020. Face à l’augmentation de la demande, l’offre s’est réinventée et de nouvelles initiatives ont ainsi émergé. C’est en suivant cette idée que la carte permettant de localiser les producteurs est devenue un site internet « monproduitlocal69 », qui sera lancé lors de l'événement GOOD et permettra aux consommateurs de trouver les produits du Rhône grâce à un moteur de recherche multicritères.

C’est véritablement à cette période que les consommateurs ont découvert les circuits courts.



Aujourd’hui, plus de 1300 agriculteurs sur les 4500 exploitations professionnelles du Rhône et de la Métropole pratiquent le circuit court. Leur objectif est de créer un lien avec le consommateur et d’être acteur dans leur territoire en fournissant un produit local et de saison.


 

POUR EN SAVOIR PLUS

 

Rendez-vous VENDREDI 4 JUIN

pour le cinquième épisode de "LA MINUTE DES EXPERTS"

avec le Professeur Jean-Michel Lecerf, spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques.

 

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